Respirer et parler
« D’abord, j’ai appris à respirer. Respirer, selon moi, correspond à prendre en charge sa propre vie. Seule la mère, pendant la gestation, respire à la place de l’enfant. Après la naissance, qui ne respire pas, ne respecte pas sa vie et prend de l’air à l’autre, aux autres. Respirer est donc un devoir vis-à-vis de ma vie, de celle des autres, de l’ensemble du monde vivant. La plupart des personnes ne se ménageant pas le temps de respirer, il est nécessaire, – en tous cas, il m’est nécessaire, mais je pense que cette nécessité est générale – de se promener ou de demeurer un moment chaque jour dans le monde végétal pour continuer à respirer et à vivre en dehors de l’exploitation sociale ambiante.
Il est nécessaire aussi de comprendre les relations entre la respiration et les autres actes , en particulier l’acte de la parole. (…) il est intéressant de noter que les personnes qui ne respirent pas, ou qui respirent mal, ne peuvent pas s’arrêter de parler. C’est leur manière de respirer, et notamment d’expirer pour reprendre souffle. (…)
Rester silencieusement attentif au souffle revient à respecter ce qui existe et à se réserver la possibilité de naître et de créer. » L. Irigaray